Depuis dix ans, le Festival des Architectures Vives interroge un lien possible entre intervention contemporaine et cours de monuments historiques. Il propose un dialogue, une redécouverte et une relecture de ces lieux secrets dans la ville.
De la somme des interventions qui ont investis ces poches oubliées de Montpellier, une histoire s’est construite, des souvenirs et une mémoire collective se sont imposés.
Autour de cette date symbolique de dix années, c’est cette même notion de mémoire que l’on retrouve.
Mémoire de l’architecture existante qui est le décor fixe du festival et celle, éphémère, en mouvement, d’installations chaque années différentes. Nous avons voulu formaliser notre définition du terme de « mémoire ». Envisageons la comme une somme d’expériences, comme des cases vides que nos souvenirs emplissent au fil du temps. Comme des accumulations de petites particules que notre inconscient hiérarchise jusqu’à édifier un espace à géométrie variable.
Les dix cours des hôtels particuliers sont pour nous les cases vierges à remplir. Sur le sol d’une des cours, nous traçons un quadrillage formé de carrés de 80×80 cm qui représente lui aussi ces cases à remplir. C’est la mise en abîme, le fractale du quadrillage formé par les cours dans la ville.
Les particules que sont les rencontres, les expériences, les souvenirs, un regard, une odeur, une sensation, sont matérialisées par des grains de sels. Des pyramides suspendues vont les égrainer, à la manière d’un sablier, jusqu’à former des monticules d’ampleur variable dans la cour. Comme le temps qui passe, ils coulent en un flux continu, ininterrompu qui – au prisme de notre mémoire – va former des souvenirs. Individuels ou collectifs, ils composent un tout organisé, notre passé, notre histoire, nos repères. Certains moments vont prendre le devant de la scène de notre esprit tandis que d’autres seront enfouis. De la même manière, certaines des cases de notre damier seront remplies tandis que d’autres resteront vides. Du temps qui s’écoule émerge une forme, puis plusieurs formes qui composent un espace.
On se déplace dans la cour comme on se déplace dans l’espace de notre mémoire. On a d’abord une image globale, puis, on se rapproche de l’un ou l’autre des monticules et l’angle de vue change, la perspective est différente. On ne peut pas prévoir la forme finale, pas plus qu’on ne peut prévoir les évènements qui ponctuent le cours de nos existences. Sur notre passage, on égraine un peu du monticule dans les cases vides qui se remplissent de cette expérience.
Durant notre parcours les pyramides écoulent leur flux sans débrayer, c’est un mouvement sur lequel on n’a aucune emprise, car on n’arrête pas le temps qui passe. Mais, si l’on s’attarde un peu, si on laisse vagabonder notre esprit dans ce paysage en mouvement, encloisonné dans des murs historiques et ouvert sur le ciel, on peut s’affranchir un instant de cette course trépidante.